Du musée féministe virtuel à l’analyse de la culture des biennales

Mardi 22 mars 2016 – 19h00

Du musée féministe virtuel à l’analyse de la culture des biennales : défis curatoriaux et politiques de pensée, de lecture et de pratiques artistiques critiques

Griselda Pollock (Leeds) en conversation avec le groupe de recherche Beyond the Monument

HEAD, Boulevard Helvétique 9, 1205 Genève, salle de séminaire CCC, 2e étage, salle 27

Images : Brache L. Ettinger, And My Heart, Wound-Space Within Me. Eurydice - Medusa, 1984-2015. 15 huiles sur toile (1992-2013), 75 carnets (1984-2015), enregistrements sonores et installation (2015). Photo : Sahir Ugur Eren, Biennale d’Istanbul, 2015.
Images : Brache L. Ettinger, And My Heart, Wound-Space Within Me. Eurydice – Medusa, 1984-2015. 15 huiles sur toile (1992-2013), 75 carnets (1984-2015), enregistrements sonores et installation (2015). Photo : Sahir Ugur Eren, Biennale d’Istanbul, 2015.

« Depuis 15 ans, mon travail d’intellectuelle féministe s’est concentré sur le trauma, la mémoire culturelle et la place incertaine de l’analyse féministe dans les champs de l’art, de l’histoire de l’art et des formats d’expositions qui ont trait à la distribution et la consommation d’art. Informée par un éventail de cadres socio-historiques et psychanalytiques, ma proposition de musée virtuel féministe s’appuie sur les nouveaux concepts qui permettent de résister au désespoir qu’engendrent la globalisation et l’effacement des initiatives critiques ; certains de ces concepts sont tirés de l’œuvre artistique et théorique de Bracha Ettinger : la fascinance, l’art comme transport-station du trauma, l’être-avec-et-témoigner esthétique et l’événement-rencontre. Ceux-ci sont invoqués aujourd’hui, au moment d’entreprendre un projet de recherche sur les pratiques curatoriales contemporaines et critiques, basé sur une analyse de la DOCUMENTA depuis le point de repère historique que constitue l’année 1989.

Je pose trois questions:
Comment aborder l’histoire contemporaine à travers la pratique artistique ?
Que révèlent les expositions de l’histoire de l’art contemporain, à la fin de l’histoire de l’art ?
La pratique curatoriale peut-elle être critique et politique ?
L’histoire des expositions constitue-t-elle une méthode afin d’étudier ces questions ?

A l’époque moderne, l’exposition temporaire représente l’une des formes majeures par laquelle la connaissance – tout comme la reconnaissance – de l’art contemporain est produite. Les visiteurs font l’expérience d’une exposition et s’en souviennent comme un événement. Ce qu’ils expérimentent est dicté par le concept des curateurs de l’exposition et la sélection de travaux qui y figurent. Ceux-ci fonctionnent comme les unités d’un statement plus large, comme des objets d’observation et d’analyse, les accessoires d’une dramaturgie culturelle. Bien entendu, chaque exposition reste ouverte à des lectures inattendues. Pourtant, ce sont les critiques formelles qui prolongent la vie de l’exposition, l’historicisent et l’inscrivent dans la mémoire culturelle, grâce aux catalogues et autres publications qui constituent un monument à l’événement, sa forme historique pérenne. Fondée en 1955 par Arnold Bode, avec la volonté de recréer le lien rompu au sein de l’art moderne allemand lors de l’expulsion de l’art « dégénéré » par les Nazis en 1937-8, la DOCUMENTA s’est imposée depuis, malgré la prolifération internationale des biennales, comme l’une des expositions temporaires les plus importantes et influentes. Conçue dans le contexte du gigantesque traumatisme historique du Nazisme et son génocide raciste, elle adresse l’importance de l’art face à l’histoire et son héritage traumatique. La DOCUMENTA offre aussi une évaluation quinquennale de l’art : chaque DOCUMENTA peut être étudiée comme un important indice de la relation critique entre le monde de l’art, ses formes variables, ses débats et les histoires contemporaines, étudiées à travers le prisme des curateurs, des critiques et de l’exposition temporaire, comme une forme étendue de pratique culturelle et d’intervention théorique. Ma recherche actuelle inclut une analyse féministe, queer et postcoloniale de la DOCUMENTA depuis 1989. »

Pierre Hazan, Denis Pernet, Catherine Quéloz, du projet de recherche Beyond the Monument, développé depuis 2010 dans le contexte du Programme Master de Recherche CCC, et Nicole Schweizer (Musée cantonal des Beaux-Arts, Lausanne), entreront en conversation avec Griselda Pollock à l’issue de la conférence.