11 Nov. 2014

18h30
événement

Pauline Klein – VOIX OFF

→ MAMCO

Il n’y a que le particulier qui soit universel.

Pauline Klein (1976) est écrivain. Elle a étudié la philosophie à la Sorbonne, l’esthétique ensuite, pour finalement entrer à la St Martin’s School à Londres. Elle travaille quelques temps dans des galeries d’art à New York, Londres et Paris. Alice Kahn, son premier roman est sorti en 2010 aux éditions Allia. Chez le même éditeur a paru en 2012 un deuxième roman, Fermer l’œil de la nuit. En 2014, à l’invitation du festival Concordan(s)es, elle crée Socle, une pièce pour la scène en collaboration avec la chorégraphe Hélène Iratchet.

 

Introduction de la lecture du 11 novembre 2014 par Carla Demierre :

Pauline Klein fabrique des livres. Elle est une artiste qui écrit. A propos de ses livres je l’ai entendu suggérer dans une interview qu’on les appelle « Encre sur papier ». Après avoir étudié la philosophie puis l’esthétique Pauline Klein est passée par une école d’art. Pas étonnant alors qu’on l’entende souvent – parlant de sont écriture – évoquer la performance, et ce jeu qui existe entre un geste accomplit dans le réel et son apparition dans un texte. La vie émet des signaux dont Pauline Klein s’empare, qu’elle tresse et transforme. Sa conduite artistique pourrait trouver un écho dans cette phrase: N’être pas préparé mais se tenir prêt. Parce que ses livres font avec le hasard et avancent un geste après l’autre, de point de rupture en point de fuite. A chaque geste son intensité, qui nous fait entrer dans un autre rapport au monde, introduisant du grain dans la visionneuse. Puisque la machine dont il est beaucoup question, c’est celle du regard. Ce qui s’impreigne d’images pour écrire, c’est toujours l’œil.

Présence littérale dans le titre de son deuxième roman Fermer l’œil de la nuit (2012 Allia) où une femme sans histoire espionne passionément ses voisins et se découvre un frère en prison, qui deviendra momentanément son correspondant existentiel. Déjà là (la vision) dans Alice Kahn (2010 Allia) où à une terrasse de café, une femme décide de ne pas contrarier un inconnu et photographe qui la prend pour une autre, se saissant du prénom qu’il lui tend comme si elle choisissait une destination de vacances.

Sortes de polars existentiels et sentimentaux, ces deux fictions s’organisent autour d’un corps sans détermination (somme d’indices, d’hypothèses, de possibilités). Les personnages progressivement dessinés consacrent leur temps à essayer de sortir : d’un appartement vide, d’une vie ennuyeuse, d’une identité floue, d’un corps encombrant. Et tous leurs actes constituent des tentatives de s’apercevoir dans le seul miroir qui vaille pour eux. Qu’on appelle ce miroir la vie des autres ou le monde extérieur. Ainsi, entre intérieur et extérieur, dans cet intervalle entre soi et le monde, se joue une sorte de drame perceptuel que l’écriture de Pauline Klein tente de résoudre. L’œil est un seuil et entrer dans les images c’est prendre acte de la chambre noire que nous sommes (intériorité absolue et obscurité totale).

Si la notion de performance ou d’action renvoie dans l’œuvre de Pauline Klein à un rapport ténu entre l’écriture et l’expérience, elle s’applique également à son expérimentation de formes d’écriture hors du livre. Citons comme exemple sa collaboration récente avec la chorégraphe Hélène Iratchet, autour d’une performance intitulée Socle, présentée ce printemps dans le cadre du festival Concordan(s)es. Ayant raté la pièce, j’ai regardé une sorte de bande annonce sur le site du festival. J’y ai vu avec stupéfaction PK faire le grand écart avec la même élégance désinvolte que je trouve à ses livres. J’ajouterais qu’ils sont traversés par un humour déconcertant – parfois burlesque – et pincent là où ça fait mal.

J’aimerais conclure avec un court extrait d’Alice Kahn qui résume tout ce que j’ai tenté de dire de l’écriture de Pauline Klein: « Ma vie a lieu là où mon regard se pose. Je crée des formes abstraites que je rempli de mon délire. De ces formes comestibles par moi seule, je fais une boule, que je racle, et lisse, et que j’avale devant tout le monde. Qui veut mâcher avec moi, mâche avec moi. »