15 Mar. 2016

18h30
événement

Sandra Moussempès – VOIX OFF

→ MAMCO

Introduction de la lecture du 15 mars 2016 par Carla Demierre :

Sandra Moussempès est poète. Son travail circule en livres, sur disques et sur scène. Avec des textes expérimentaux, des audio-poèmes et des performances. Au centre de cette œuvre (disons) « multipiste » une conscience de la voix – Sandra Moussempès est aussi chanteuse – qui en a fait progressivement une condition irréductible de son écriture. Ses deux pratiques parallèles (chant et écriture) n’ont été réunies que récemment, en 2011, autour du projet de performance Beauty Sitcom.

(aujourd’hui) La lire c’est suivre des entrelacs sinueux de voix – concrète, parlée, chantée, intérieure, off. C’est se faire un petit cinéma mental à base de grain, de timbre et de souffle. La voix nous apparaissant comme appareil de la mise en mouvement des images. Et les images sont partout en puissance, irriguant les textes via des évocations de films et inserts de photographies. Mais aussi à même la forme, derrière les inventions typographiques, la mise en liste et son côté « projection de diapositives », les citations furtives, les phrases revenantes et les effets de déjà-vus. Alors cette écriture qui capte des pensées, amplifie des voix et agence des images: on serait tenté de la voir comme un kinétoscope de langage (cet ancêtre du cinématographe, Edison). Et les titres des livres déjà nous mettent sur cette piste: Captures (Flammarion, 2004), Photogénie des ombres peintes (Flammarion, 2009), Acrobaties dessinées (L’Attente, 2012) et (le plus récent) Sunny girls (Flammarion, 2015), ou sa reprise sonore sur le disque Videographia (Violet Reason Record, 2014).

D’un livre à l’autre, on retrouve une trame commune, faite d’éléments autobiographiques, de corps (héroïnes, icônes), de contrastes (blondes solaires/brunes sombres), de villes (Londres, Berlin), de rapports (amoureux, familiaux), de figures (comme Artaud) ou de motifs (comme le miroir). Et toujours un traitement singulier des images, un esprit légèrement gothique, un démontage des stéréotypes sociaux et un humour délicat. Ils ont également en commun de poser la lecture comme une forme sophistiquée de l’hypnose, où la conscience compose à partir d’éclats, d’intensités, d’apparitions.

La poésie, en tant que dispositif réfléchissant, travaille toujours aussi à préciser ce qu’elle est. Alors si je me fie à ma récente lecture de Sunny Girls, l’écriture poétique, autrement dit le cinéma de la langue, à l’œuvre ici, se situerait quelque part entre « une conversation intérieure » devenue « un son solidifié » et « une tentative d’extorsion » de pensées.