27 Mai. 2015

18h30
événement

Marcelline Delbecq – VOIX OFF

→ MAMCO

Là où vont et viennent les images lorsqu’elles disparaissent pour mieux apparaître. 

Marcelline Delbecq née en 1977 est artiste et écrivain. Elle s’est peu à peu éloignée de la pratique de l’image pour se concentrer sur la potentialité cinématographique de l’écriture. Son utilisation du récit, de la voix, élabore un univers narratif mis en mots et en sons pour convoquer un ensemble d’images mentales oscillant entre description et fiction, passé et présent. Dans ses installations sonores, publications et lectures en public, les mots mettent en jeux la question du regard en devenant à leur propre tour des visions. Elle travaille régulièrement avec l’actrice Elina Löwensohn, le pianiste Benoit Delbecq et le bruiteur de cinéma Nicolas Becker. Elle a récemment publié West I-VIII, un roman en cours d’écriture retraçant les investigations d’un narrateur parti sur les traces de l’écrivain et scénariste Nathanaël West.

 

Introduction de la lecture du 27 mai 2015 par Carla Demierre :

Photographie, art et écriture, c’est l’ordre dans lequel les choses se sont présentées à Marcelline Delbecq avant de se constituer en une pratique singulière, une sorte de littérature d’art. Les formes variées de ses oeuvres (pièces sonores, installations, photographies, performances et livres) visent toujours un équilibre entre écriture, image, et voix. L’adaptation pourrait en être un des principes moteur, renvoyant à un lien entre cinéma et littérature, autant qu’à la salle obscure via l’oeil, et sa capacité d’accommodation à la lumière.

Les pièces de Marcelline Delbecq sont des oeuvres de fiction, et en tant que telles elles nous plongent dans des récits qu’elle échafaude par des jeux multiples qui séparent le son du corps, et le mot de l’image. Ceci pour le régime narratif particulier à ces oeuvres, quelque part entre le silencieux de la littérature et le sonore du cinéma.

Parce que les images bougent peu, que les voix produisent plus d’écho qu’elles n’appellent de réponse, et qu’une légère désynchronisation règne parmi les sous-titre, la lecture hors-champ, les pages, les trames et les images, ces dispositifs de lecture font aussi de nous qui sommes là à écouter/voir, des sortes d’opérateurs, et parfois des personnages de lecteur silencieux dans l’esprit desquels on aurait introduit une récitante.

Sur la voix narrative repose l’essentiel du travail de la fiction. Celui qui compose avec la dissémination, les flash, les boucles de sens, qui fait défiler tout ça comme un paysage de l’autre côté d’une vitre, sous la forme de scénarios de pensée.

Il me reste, après cette brève tentative descriptive, et avant de céder la parole à Marcelline Delbecq, à vous recommander la lecture de ses livres. J’en citerai deux.

Il y a Paréidolie, paru en 2011 dans la collection Fiction à l’oeuvre des éditions Mix. Il s’agit d’un texte conçu à partir d’une oeuvre de Robert Barry, dont la première phrase qui succède à la vue d’une route à l’endroit d’un virage entre deux forêts, décrit très exactement le mode sur lequel le texte va se dérouler: «La route tourne et au-delà du virage, rien à voir, il n’y a rien à voir, personne n’a rien vu, la voiture s’est arrêtée avant.»

La route, sans même avoir à prendre trop de raccourcis, c’est évidemment l’Amérique. On la retrouve dans West, un projet de roman en court d’écriture qui a déjà donné des installations sonores, des lectures et un livre. Ce dernier est paru en 2013 dans la collection «faux raccord», édité par Le Gac press et l’école des beaux arts d’Angers. Le livre réunit des fragments de ce roman en douze chapitres composées à partir d’autant de photographies de grands espaces américains. Son titre West renvoie à la figure de Nathanael West, écrivain et scénariste mythique et américain, dont un narrateur tente de reconstituer l’histoire. Mais il renvoie aussi à un rapport entre l’Ouest (sa conquête, sa construction) et la Fiction, sans doute à l’origine des idées de récit-route et de continent-narratif qui travaillent nombre d’entre nous.