ISOLA DEGLI CONIGLI

Du 30 octobre au 5 novembre 2011

Collaboration : Noah Stolz (curateur La Rada, Locarno)

« Les hommes qui viennent sur l’île occupent réellement l’île et la peuplent ; mais en vérité, s’ils étaient suffisamment séparés, suffisamment créateurs, ils donneraient seulement à l’ile une image dynamique d’elle-même, une conscience du mouvement qui l’a produite, au point qu’à travers l’homme l’île prendrait enfin conscience de soi comme île déserte et sans hommes. L’île serait seulement le rêve de l’homme, et l’homme, la pure conscience de l’ile. […] Il ne suffit pas que tout commence, il faut que tout se répète, une fois achevé le cycle des combinaisons possibles. Le second moment n’est pas celui qui succède au premier, mais la réapparition du premier quand le cycle des autres moments s’est achevé. La seconde origine est donc plus essentielle que la première, parce qu’elle nous donne la loi de la série, la loi de la répétition dont la première nous donnait seulement les moments. Mais ce thème, plus encore que dans nos rêveries, se manifeste dans toutes les mythologies. Il est bien connu comme mythe du déluge. »

Gilles Deleuze, Causes et raisons des îles désertes.

De la politique à la psychanalyse, de la poésie à la danse, (et l’art ? L’architecture ? Le naturisme et donc les idéologies radicales ?) la communauté (la quelle, on dit pas « la succession des expériences communautaires qui ont eu lieu sur… ») du Monte Verità à Ascona apparaît comme un mélange (Amalgame ?) hétérogène de cultures sans précédent, ralliant à ses causes des personnes d’univers très différents et clairement en avance sur leur temps. Vouloir appréhender l’histoire de cette communauté, c’est découvrir une multitude de courants de pensées libres ou libertaires, les courants idéologiques du socialisme, du communisme, de l’anarchisme, mais aussi les théories psychanalytiques du début du siècle et les courants artistiques et révolutionnaires de cette période. Vouloir appréhender l’histoire de cette constellation d’expériences communautaires et particulières c’est découvrir un environnement et à la fois un archive de nature très complexe. Le but de ce workshop est à la fois d’introduire les élèves a cette histoire, mais aussi à deux concepts fondamentaux qui nous sont chers: soit la multitude et l’archive. Le concept de multitude s’oppose selon Paolo Virno à celui du peuple et est encore aujourd’hui l’un des seuls modèles utopiques et sociaux que l’on ose encore proposer aujourd’hui. Le Tessin à l’époque où le Monte Verità était encore considéré comme un laboratoire actif a permis de donner un exemple factif de ce model social. Il s’agissait alors d’une région pauvre très fortement caracterisée par une culture paysanne partagée entre au moins deux cultures d’origine : celle héritée par la Suisse et celle Italienne.

Parler de communauté – et spécialement dans une région comme celle du Lac Majeur, historiquement liée à la mise en œuvre d’une multitude d’expériences de ce genre – implique nécessairement la prise en considération de cette histoire particulière ainsi que la conscience que la répétition d’un projet communautaire doit être conçu comme une pratique d’analyse de la réalisation et l’éventuelle faillite d’une communauté.

Quelles sont les conditions qui poussent à la formation d’une communauté ? Quel est l’intérêt et quelles les implications qui découlent d’un tel projet ? Est-il possible de reproduire une expérience communautaire dans une époque où les idéologies ont été enterrées depuis longtemps ? Comment la documenter et en constituer un archive ? L’île déserte comme image de séparation du monde et de création pourrait constituer un lieu propice à la constitution d’une communauté ? Sur quelles bases et motivations constituer donc une communauté utopique aujourd’hui? Réfléchir aux causes et aux raisons qui ont porté à la création et à la faillite de maintes utopies communautaires sera le point de départ de ce workshop.