Robinsoneries – journal des bords : Clara Vischel

dimanche 12 avril 2020

Maquillages quotidiens 

Chaque jour je me maquille,

À 9 heures pétantes, pas d’excuses.

J’ai bien lu les conseils que les astronautes donnent pour surmonter cette situation

Il faut se fixer des routines et un programme préparé à la minute près.
Donc quand je me maquille je suis minutieuse,

De toute façon là, j’ai le temps

Je procède avec un ordre bien particulier
Je commence par prendre mon miroir

Premier regard dans le profond de la glace

J’ai les yeux vides et des cernes

T’as pas rajeuni pendant la nuit ma vieille

et ça risque pas de s’améliorer si tu veux mon avis

Je repense à la fois où on m’a dit

que je suis une vieille dame dans un corps de jeune femme

Ça me rassure à moitié

 

Première étape,

Anticernes, petites formes triangulaires sous les yeux,

Une touche de lumière sur le front, l’arrête du nez

Et le menton

Bien tamponner sinon ça marque toutes tes petites ridules

Et tu prends au moins 10 ans
Petite huile pour donner un jolie teint, un peu brillant

Ensuite, les yeux,

orange, rose, rouge, paillettes etc…la totale

Je m’applique bien

Le rouge se fond dans l’orange, qui se fond dans le rose

Ensuite

La fausse bonne mine avec une touche de blush

Sur le bombé des joues

Puis la touche finale :

Highlighter dans tous les sens

Je sors de ma chambre plus luisante que le fond d’un paquet de chips

 

Résultat : Voiture volée, comme tous les jours !

 

MAIS
j’ai décidé que

Dans mon petit théâtre personnel

Il y aura un nouveau personnage qui prend vie le matin, quand je me maquille

Et s’éteint le soir, quand je me démaquille.
Donc à chaque jour son personnage,

 

Je vous laisse avec l’histoire du personnage du jour :

 

Le placard méprisant :

 

Aujourd’hui c’est l’histoire de la fille qui toisait du regard sa tablette de chocolat

 

Maquillée comme une voiture volée,

Avec du rose, de l’orange, les paillettes et tout le tralala

habillée comme un clown,

Elle ouvre son placard tous les matins, à la même heure

9 heures

 

Le placard s’ouvre donc,

La lumière rentre et éclaire le fond,

Dévoilant délicatement son contenu

 

L’objet de la discorde est placé là,

dans une position lascive et nonchalante

Une fine lueur éclaire juste ce qu’il faut

Elle est vêtue d’un petit déshabillé argenté

Terriblement sexy

Légèrement froissé à certains endroits

Laissant à peine entrevoir le plus intéressant,

Ce qui suscite un profond désir…………

La tablette de chocolat

 

La lutte s’annonce corsée

 

Mais la fille est prête,

Elle se tient là, se dresse comme une statue, féroce et inébranlable,

La tête haute, les joues tendues et les sourcils froncés

 

« Tu ne m’auras pas cette fois-ci »

Elle s’est préparée au combat toute la nuit

Et tout le jour d’avant

Elle sait qu’il va falloir se battre, le plus fortement possible
Chaque matin c’est la même chose

Mais ce matin, c’est différent.
Les yeux intenses, elle résiste

Lance un regard si hargneux, si méprisant à la tablette

Que celle-ci se met à rougir

Elle chauffe si fort,

Qu’elle se met à fondre et disparaît.

 

Victoire !!

 

Depuis quelques semaines

La fille a du temps pour réfléchir

Un peu trop de temps

C’est le temps des questions

Elle connaît bien ce vieux démon qui l’accompagne

Celui qui rend la nourriture angoissante

et le placard méprisant.