Robinsoneries – journal des bords : Nadia Benhaca

vendredi 10 avril 2020

J’aimerais m’énerver contre elle quand elle ne m’écoute pas, quand elle mange dans mon assiette, quand elle déchiquette mes sous-vêtements et contre lui quand je lui répète 50 fois les mêmes choses, mais quand je regarde leur bouille toute chou, je ne peux m’empêcher d’avoir envie de les manger. Aliha, 3 ans et 11 mois, Griffon croisé berger des Pyrénées, robe tricolore, 21 kilos et yeux de merlan frit. Mike, 24 ans, 1m80, cheveux châtain foncée, yeux bleus, denture parfaite sont la genèse de mon agressivité mignonne.

Du coup, j’ai fait des recherches sur Google et j’ai appris que cette envie de croquer, mordre un bébé, un compagnon ou un animal se nommait ; agressivité mignonne. Un sentiment positif qui s’accompagne d’une émotion négative en se traduisant notamment par une pulsion d’agressivité. Selon des chercheurs, notre cerveau a beaucoup de mal à gérer un trop-plein d’émotions, c’est pourquoi le sentiment négatif est présent, car il joue le rôle de régulateur afin de permettre un équilibre dans l’état émotionnel.

Après ça, en me perdant un peu sur le net, je suis tombée sur un essai dont il était possible d’en acheter le PDF pour seulement 2,95 CHF, sympa…

L’essai a été écrit par un philosophe, Denis Le Balme. Il dit entre autres qu’entre humains adultes, la morsure est l’illustration d’une ambivalence entre la violence et l’affection. Le champ lexical de la faim rejoint d’ailleurs souvent celui de l’amour et du désir : «Je te bouffe», «T’es à croquer», «On en mangerait», de quoi confondre son repas et sa/son partenaire.

«Manger l’autre est une manière de se l’approprier, de l’absorber, de le garder en soi. Ainsi, de la même manière que certaines peuplades dévoraient le corps de leurs ennemis pour absorber leurs forces, avaler un être cher, c’est ingurgiter toutes ses qualités. C’est d’autant plus vrai dans une relation amoureuse, notamment au début, lorsqu’on est encore au stade passionnel, car on a alors tendance à idéaliser l’autre, à projeter sur lui toutes nos espérances de bonheur et donc à lui attribuer d’innombrables vertus que l’on aimerait posséder soi-même».

– L’amour Carnivore, essai sur le cannibalisme amoureux, Denis La Balme

Manger et faire l’amour sont deux activités nécessaires à la survie humaine, selon Denis La Balme. Rien d’étonnant alors à ce que le sexe comprenne des pulsions cannibales ou que les repas renvoient à un certain érotisme. En effet, il y a un mimétisme entre le sexe et le cannibalisme ; d’abord par l’acte sexuel et la mort qui se lit par la montée au ciel de l’esprit; « le septième ciel » lors des rapports et le voyage dans l’au-delà pour la mort. Ensuite, il y a les mécanismes de sélection du partenaire. Une étude publiée en 2003, démontre que les personnes dont le physique nous repousse sont celles que nous avons le moins envie de manger. Le dégoût physique va de pair avec le dégoût gustatif.

Bon… On est bien d’accord que je n’ai pas envie de manger ma chienne pour « ingurgiter toutes ses qualités et que je ne trouve pas attirant mon copain parce qu’il me fait penser à mon plat préféré…. Je vous laisse simplement un collage de photos toutes mignonnes de ma chienne afin que vous comprenez par vous-même l’agression mignonne constante qu’elle subit.