Robinsoneries – journal des bords : Alix Debraine

jeudi 2 avril 2020

À la fin des « Temps Modernes », Charlie Chaplin, après une série de difficultés, est engagé dans un bar théâtre. Il se voit attribuer la responsabilité de chanter. Son amie inscrit les paroles sur ses manchettes de chemise, qu’il perd soudain. L’ignorance totale du texte l’inspire à improviser dans un langage inventé et mystérieux.

Un nonsense song où le sens est à imaginer ou à oublier. Les musiciens jouent, la mélodie ne change pas. L’affaire est assumée et ça fonctionne. Sur internet sont référencés ces mots, c’est étrange, ça fait retomber le tout dans une création à apprendre, à comprendre. (C’est en ignorant que c’est une séquence de cinéma dirigée par un réalisateur extrêmement maniaque). Pourtant chacun pourrait y insérer sa bouillie de syllabes que ça marcherait aussi, je trouve ça encourageant. Il me semble que ça correspond plus au témoignage d’une euphorie qu’à un réel exercice de style.

Nous sommes entrés en période de confinement il y a deux semaines et j’imagine que nous ne connaissons pas les paroles de cette période éclatée. De mars à juin d’une année contaminée ça ressemble, un peu, au spectacle de Charlie Chaplin. Les espaces et les personnes sont connus, souvent, mais les actions sont à repenser. Les mouvements peuvent se trouver inopportuns, entravés et lents. Les histoires se racontent différemment, sûrement parce que les vidéos mal cadrées captent peu et sont pour certaines limitées dans le temps. La radio est impérieuse, les reproches rebondissent contre les murs parce que l’espace est à partager sans pause et les gentils mots s’échappent des fenêtres. Les temps sont dans le désordre, mixés les uns aux autres. Du moins, je le sens comme ça. Une réalité est mimée grossièrement, où l’absurde agit comme une loupe grossissante, ça permet peut-être de sonder une société et des quotidiens.
Ce soir j’écoute les Kinks, je danse beaucoup, je connais pas les paroles.

Take care

https://www.youtube.com/watch?v=0daS_SDCT_U&t=83s